// Le Journal de David Holzman
// États-Unis // 1967
// 73 min // Noir et blanc // 1:33
Au cinéma le 13 juillet 2011
Pour mieux comprendre sa vie et puisque selon Godard « le cinéma c’est 24 fois la vérité par seconde », David Holzman, apprenti cinéaste dans le New-York des années 60 commence son journal filmé. Revoir le film de sa vie lui permettra peut-être d’en saisir le sens. Mais David Holzman va vite comprendre que l’omniprésence de la caméra dans son quotidien n’est pas sans influencer le cours de son existence…
Présentation
Tourné en 1967, Le Journal de David Holzman fait date dans l’histoire du cinéma. Le geste assez est important pour faire entrer le film au Registre national du film de la Librairie du Congrès, liste de d’œuvres clés du 7ème art.
Précurseur du genre « documenteur », les premiers spectateurs y distinguent mal ce qui relève du documentaire et de la fiction. Passerelle entre les genres, réflexion sur l’altération du réel par l’acte de filmer, Jim McBride livre un film à la fois réflexif et léger, sensuel et cérébral. Quarante ans après sa réalisation, le film ne cesse d’être étudié et redécouvert. Il s’agit d’un des premiers (le premier ?) films de fiction qui cherche pleinement à se faire passer pour un documentaire en égrainant tous les indices du genre. Si le procédé du « faux documentaire » nous paraît aujourd’hui commun et a participé à la singularité ou au succès de films aussi divers que L’Ambassade (Chris Marker), Punishment Park (Peter Watkins), F for Fake (Orson Welles), C’est arrivé près de chez vous (Rémy Belvaux, André Bonzel & Benoît Poelvoorde), Le Projet Blair Witch (Daniel Myrick & Eduardo Sánchez) ou dernièrement Faites le mur ! (Banksy), Le Journal de David Holzman reste précurseur du genre et l’un des plus subtile, parce que l’artifice se double toujours d’une réflexion sur le cinéma.
A l’apogée du cinéma direct, Jim McBride avait voulu en réaliser un exercice critique, montrer que le documentaire restait une affaire de mise en scène et de point de vue, en somme qu’il fallait toujours se méfier de "ce qui fait vrai", de l’apparente objectivité du caractère enregistreur de la caméra. Ironiquement, le David Holzman du film affirme, en hommage à Godard, que « le cinéma c’est la vérité 24 fois par seconde »… ce qu’en fait le film met un soin pervers à démentir. La grande force du film est aussi de réfléchir sur la dimension voyeuriste du cinéma, sur ce qu’il se passe lorsqu’on filme l’intime.
Dans L’Epreuve du réel à l’écran (De Boeck), François Niney rappelle à ce titre que le film de McBride démontre « que pour être autre chose que du voyeurisme et de l’exhibitionnisme, le cinéma-vérité ou le cinéma direct exigeant soit la mise en scène d’un véritable dispositif d’échange entre filmeur et filmés, (comme chez Rouch), soit la construction d’un espace objectif où puissent évoluer, se parler et se faire entendre les protagonistes, comme chez Wiseman […] Car la caméra subjective monomane ne laisse d’autre échappatoire aux filmés que d’être ses proies plus ou moins consentantes ou bien de l’éconduire. »
En cela David Holzman dialogue assez secrètement avec Le Voyeur de Powell et Pressburger.
Réalisateur
Jim McBride est né en 1941 à New-York où il fait également ses études de cinéma après un passage par Sao Paulo. Il côtoie assidûment dans les années 60 la Filmaker’s Cinematheque de Jonas Mekas où il voit les films de Stan Brakhage, Andy Warhol et de Shirley Clarke. Il se familiarise aussi avec le cinéma direct en plein essor, les films de Pennebaker et des frères Maysles en particulier. On retrouve bien entendu dans Le Journal de David Holzman (1967), son premier film, des traces de cet apprentissage avant-gardiste et documentaire. Le film est co-écrit avec Kit Carson qui interprète aussi le rôle-titre. Trouvant le film trop court, le producteur demande à Jim McBride de le coupler avec un court métrage. Jim McBride a ainsi l’idée de My Girlfriend’s Wedding où il interroge sa petite amie, Clarissa, au moment où celle-ci doit se marier, afin de pouvoir rester aux Etats-Unis, avec un militant pour la paix au Viêt-Nam. Le film durera finalement 1h. En circulant dans les plus grands festivals, les deux films acquièrent rapidement un statut culte tout en étant largement invisibles pour le grand public.
S’en suit pourtant une période trouble où Jim McBride peine à faire aboutir ses films, dont un projet de western à la structure ambitieuse produit par Bob Rafelson (Five Easy Pieces) et qui devait un temps être repris par Dennis Hopper. Il réalise tout de même Hot Times (1974) dont le slogan mercantile était « American Graffiti mais avec du sexe. ». Sont aussi réalisés, en 1971, Pictures From Life’s Other Side (qui clôt la trilogie « du journal filmé » entamée avec David Holzman) et Glen and Randa (1971), film de science-fiction intimiste, post apocalyptique.
Jim McBride attendra dix ans avant de faire aboutir un nouveau projet, le remake américain d’A Bout de Souffle de Jean-Luc Godard. Breathless – Made in USA avec Valérie Kaprisky et Richar Gere est produit à hollywood. Jim McBride côtoie d’ailleurs brièvement Godard à la fin des années 70 quand ce dernier envisage de réaliser son film américain produit par Coppola. Jim McBride réalise par la suite essentiellement des films pour la télévision. Il réalise notamment en 2001 un épisode de la série Six Feet Under. Il continue tout de même à réaliser des films de cinéma dont The Big Easy, polar avec Dennis Quaid et Great Ball of Fires, biopic de Jerry Lee Lewis qui rencontrent un certain succès.
En 2007, Jim McBride fait une courte apparition dans Les Plages d’Agnès d’Agnès Varda, son amie de longue date.
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