Entretien avec Jim McBride
A l’occasion de la ressortie du Journal de David Holzman au cinéma, Le FID Marseille avait interviewé Jim McBride sur son film séminal. A lire ci-dessous :
David Holzman’s Diary est votre tout premier film. Outre la controverse explicite et comique avec la formule godardienne, comment est né ce Projet ?
L’idée de « vérité » était très la mode à l’époque, dans le documentaire (Leacock, Pennebaker, Maysles et quelques uns des films du National Film Board au Canada) et dans les films de la Nouvelle Vague, qui semblaient bien plus réels que les films de Doris Day sortant des studios hollywoodiens. Même les films underground américains étaient à la recherche d’une sorte de vérité poétique (Brakhage, Mekas, Noren). On parlait aussi beaucoup du cinéma comme d’une forme d’expression personnelle, si bien que l’idée de « documentaire personnel » semblait intéressante à explorer.
Le personnage de David est interprété par Kit Carson, également scénariste du film, Comment s’est passée, concrètement, votre collaboration ? A l’écriture et au tournage ?
Tout. d’abord Kit Carson n’a pas écrit le scénario et n’était pas impliqué dans le montage. Il n’y avait pas de scénario, juste quelques pages de notes que j’avais écrites. Je ne veux pas minimiser sa contribution cependant, car elle a été énorme, tout celle du chef opérateur, MichaelWadley. Ils ont tous deux été plus que des collaborateurs, mais un tout petit peu moins que des coauteurs.
Le film compte-t-il une part d’improvisation ? Dans les scènes ? Les dialogues ?
Kit et moi, nous nous sommes assis ensemble devant un enregistreur, quelques jour avant de tourner les scènes dans l’appartement de David, quand il s’adresse à la caméra. Je lui disais ce que je voulais qu’il dise dans une scène donnée, ce qu’il réenregistrait avec ces propres mots, puis nous écoutions la bande et discutions de ce que l’on aimait ou-pas, puis nous recommencions. Il fallait que nous soyons au clair sur ce qu’allait être chaque scène, car nous n’avions que très peu de pellicule et nous ne pouvions Pas nous permettre de faire beaucoup de prises. Néanmoins, quand la caméra tournait, Kit lançait souvent quelque chose que nous n’avions pas répété. La plupart du temps, ça marchait.
Le journal filmé de David Holzman relate l’expérience d’un jeune réalisateur qui explore le rapport entre cinéma et vérité et finit par s’en trouver plutôt déprimé. Pensez-nous que le film réussit là où David Holzman échoue ?
Et bien .je l’espère. En théorie, même si David ne parvient jamais à cette compréhension de sa vie qu’il recherche, avec un peu de chance, les spectateurs y parviennent.
David Holzman’s Diary est un des premiers faux-documentaires. Quelles étaient vos propres références au moment du film ?
Oui, évidemment, Jean-Luc Godard et les autres cinéastes que j’ai cité. Un autre film qui a eu un énorme effet sur mois était Peeping Tom, de Michael Powell.
Bourré de références, reposant sur une sorte « d’arnaque » au spectateur, illustration géniale « du paradoxe du menteur », le film peut se lire comme une satire, mais de quoi ?
Satire est peut-être un peu fort. J’appellerais ça une tentative pour refléter le sentiment d’un moment et d’un lieu, une sorte de film Zeitgeist. Avec de l’humour. Qu’est-ce que le paradoxe du menteur ? (qu’il dit souvent la vérité sans le vouloir ?)
Au cours de votre carrière, vous avez travaillé sur des films très différents et votre parcours offre une diversité rare. Quel regard portez-vous aujourd’hui sur Le Journal de David Holzman ? Je dois avouer que je l’aime beaucoup. C’est peut-être la seule bonne idée que j’ai jamais eue. Ce n’est pas pour dire que je ne suis pas fier de mes autres films, simplement, ils ne sont pas si originaux. Apparemment je n’ai pas plus appris que David avec cette expérience, puisque, ensuite, j’ai réalisé trois petits films sur ma vie privée, My Girlfriend’s Wedding, Pictures from life’s other side et My son’s wedding to my sister-in-law. Ils ne sont pas très connus, mais peut-être c’est mieux comme ça. En ce qui concerne mes films plus commerciaux (dont peu ont rapporté de l’argent), ils sont tous très différents mais je dirais qu’ils ont en commun mon authentique enthousiasme pour les films, tous les genres de films. Même si cela n’est certainement pas apparu à l’époque, il est possible de voir. chacun de mes films comme une tentative d’explorer un genre différent : science-fiction, remake, film noir, comédie musicale.
Entretien réalisé par Céline Guénot / Photo : Florent Michel